There are always flowers for those who want to see them - ft. Maximilian

L’odeur des fleurs était enivrante. Maximilian s’était laissé emporter par leurs douces fragrances en cette petite matinée de juin. La période était idéale pour se procurer de nouvelles plantes, et c'était avec un plaisir non dissimulé qu'il avait laissé ses pas le guider vers le petit fleuriste du centre-ville. Pour une fois qu'il prenait un jour de congé, celui-ci ne serait pas perdu. Il lui fallait trouver la perle rare.

Arrivé dans la boutique fleurie, Maximilian avait chaleureusement salué le gérant. Cela faisait longtemps qu'il n'était pas venu et son cœur s'était emballé avec ferveur à la vue des plantes qui jonchaient chaque étale. Il indiqua rapidement au propriétaire qu'il faisait un tour de sa boutique avant de sélectionner sa préférée.

Maximilian avait donc contourné le comptoir, se laissant happer par la verdure et le délicieux parfum de celle-ci. Il y avait des plantes partout et Maximilian eut du mal à se décider. Il les regardait toutes avec beaucoup d'attention, laissant son regard se balader dans la pièce.

Il avait toujours été impressionné par tout ce qu'avait à proposer le fleuriste. Avec le dur climat et la nature vigoureuse, il se demandait souvent comment le propriétaire arrivait à proposer autant de choix. Ce dernier avait régulièrement de nouvelles plantes et fleurs, des espèces rares ou bien étranges et Maximilian en était fasciné.

Laissant ses yeux glisser de végétal en végétal, il se permettait parfois de les caresser délicatement, appréciant le doux toucher de certains et la rugosité d’autres. Il y en avait aussi aux formes étranges, comme s'ils s’étaient battus farouchement pour arriver à pousser et vivre dans ce monde…

Embué dans ses pensées, Maximilian ne remarqua pas l’homme au coin du rayon et lui rentra dedans accidentellement. Le choc le surprit et le ramena bien vite à la réalité. Il recula d'un pas suite à l'impact et releva les yeux vers d'individu.

C'était un homme plus grand que lui, d'environ son âge, avec une carrure solide. Maximilian ne le connaissait pas et pourtant son visage lui disait également quelque chose. Peut-être était-ce quelqu'un d'important ? Il se sentit soudain très idiot de lui avoir foncé dessus et s’excusa rapidement.

« — Pardon, je ne regardais pas où j'allais. »

Maximilian lui fit un sourire désolé, justifiant qu'il n'avait pas du tout fait attention. Il espérait ne pas trop avoir dérangé ce client qui visiblement avait fait son choix auprès du fleuriste.

Une fois ses excuses exprimées, il s'apprêtait à contourner l'individu qu'il avait heurté pour repartir à la recherche de sa future acquisition. Qu'il pouvait être tête en l’air parfois. Il lui fallait faire plus attention à ce qui l’entourait désormais.

« — J’accepte tes excuses, mais pas le fait que je n’aie même pas le droit à un bonjour depuis tout ce temps. »

Alors que Maximilian s’apprêtait à contourner la personne qu'il avait bousculée, il s’arrêta brusquement en entendant ces paroles. Relevant la tête, il afficha quelques instants un air surpris et perdu. Qui était cet homme qui semblait le connaître ?

Il chercha instinctivement dans sa mémoire, mais aucune réponse ne lui vint premièrement. Maximilian se mit donc à détailler scrupuleusement l'inconnu, espérant trouver chez lui la moindre caractéristique qui aurait pu le mettre sur la voie.

Malheureusement, Maximilian ne reconnut pas l’individu face à lui. Il était certain de ne connaître aucun homme d’une telle carrure, aussi grand et musclé. Et pourtant, il avait l'impression de connaître ce visage. Il y avait chez lui quelque chose de familier qui faisait remonter en Maximilian des souvenirs lointains.

« A moins que tu préfères me fuir ? »

Coupé dans ses réflexions, Maximilian fut pris d’une étrange panique. Il réalisa soudain qu'il n'avait même pas répondu à cette mystérieuse personne.

« — Non, non ! Je n'ai pas l'intention de fuir. » Il accompagna ses paroles d'un geste de négation, secouant ses paumes ouvertes devant l'individu. Il continua, prenant un air incertain.

« Mais j'avoue ne pas savoir qui vous êtes… »

Maximilian était très gêné par cet aveu. Si la personne le connaissait réellement, alors il serait certainement très déçu par sa pauvre mémoire. Il espérait ne pas le blesser par ses mots, mais Maximilian avait préféré être honnête avec lui et affronter la situation, aussi difficile soit-elle.

Bien qu'il ait une tenace impression de déjà-vu, Maximilian avait été incapable de retrouver qui il pouvait bien être et s'ils se connaissaient ou s'étaient connus autrefois. Il espérait qu'en lui révélant ceci, il pourrait enfin obtenir la réponse qu’il cherchait : qui était cet homme à l'air si familier ?

Suite à l’aveu qu’avait pu exprimer Maximilian quant à l’identité de l’inconnu, l’antiquaire avait vu le concerné détourner le regard, un air faussement désintéressé sur le visage. Celui-ci caressait doucement les feuilles d’une plante non loin et, aux yeux de Maximilian, son attitude paraissait malicieuse et indiquait qu’il préparait certainement quelque chose.

« — Les heures que nous avons passées à nous occuper de tes plantes, les as-tu aussi oubliés ? »

Maximilian n’avait aucune idée de ce dont parlait cet homme. À quoi pouvait-il bien faire référence ? Il était vrai que Maximilian possédait de nombreuses plantes, mais il ne lui semblait pas avoir invité qui que ce soit à s’en occuper à ses côtés… Pourtant, lorsque l’inconnu continua, la situation parut s’éclaircir.

« Pourtant, le jour où je t’ai protégé d’un Scocheflage qui avait tenté de te piquer, car tu avais dérangé son repas ? Je me rappelle encore de ton visage paniqué. »

Maximilian écarquilla les yeux. Il avait eu peu de fois affaire à ces bestioles qu'il n’appréciait guère, aussi se souvenait-il particulièrement de cet événement.

C'était lors d'une après-midi ensoleillée qu'il avait, pas inadvertance, taper dans un tas de rochers alors qu'il jouait avec des amis. Ce jour-là, il avait malencontreusement dérangé le repas d'un Scocheflage qui s'était, suite à cela, tourné vers l'inconscient, le menaçant de son dard venimeux. Évidemment, ça n'avait pas été l'intention de Maximilian de perturber la créature, mais désormais, il était trop tard pour regretter. Et alors qu'il allait recevoir la malheureuse piqûre, Ace, son ami d'enfance, l'avait extirpé du danger avec une grande facilité.

Maintenant que Maximilian y pensait, le mystérieux inconnu était certainement Ace Campbell. Tout en lui ressemblait à Ace, et Maximilian comprenait enfin pourquoi l'individu lui paraissait si familier. Il s'en voulait presque de ne pas l'avoir reconnu plus tôt, mais Ace avait aussi beaucoup changé depuis le temps.

Cependant, avant que Maximilian n'ait pu exprimer quelque réaction que ce soit, son interlocuteur continua :

« Ou alors… »

Il vit le très probable Ace faire une légère pause, tournant son visage dans sa direction. Il sembla l’observer avec attention en penchant la tête.

« Portes-tu des lunettes maintenant, Max ? Tu ne me reconnais peut-être pas à cause de ça. Pourtant, tu n’en avais pas besoin devant tes livres de révision. Ou est-ce peut-être à cause de ta frange ? »

Il avait accompagné ses dernières paroles par un geste dans les cheveux de Maximilian, repoussant quelques mèches qui tombaient devant ses yeux. Son expression restait malgré tout neutre et il pouvait reconnaître en lui les traits d’Ace. Il en était certain, c’était bien lui.

« — Ace !? » avait-il articulé, plus sous la surprise que réellement l'interrogation.

Maximilian n’avait pas relevé le surnom par lequel il l’avait appelé. S’il était réellement Ace, ça ne dérangeait pas, il en avait bien le droit au vu de leur précédente amitié.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Il avait posé cette question sans réfléchir, mais la réponse lui paraissait évidente : il était vraisemblablement là pour se procurer de nouvelles plantes. Maximilian se souvenait que son ami d’enfance appréciait les végétaux, bien que l’information ait été quelque peu secrète, à l'époque. Se maudissant mentalement, Maximilian enchaîna avec une autre question, bien plus probante :

« Comment vas-tu depuis le temps ? Qu’est-ce que tu deviens ? »

Maximilian était indéniablement curieux de ce qu’était devenu son ancien camarade. Ça faisait en effet tellement de temps qu’ils ne s’étaient pas vus, qu’il ne savait tout simplement pas ce qu'il devenait.

Physiquement, Ace avait beaucoup changé. Il avait grandi en plus de dix ans, mais surtout, il arborait désormais une carrure solide et musclée qui impressionnait beaucoup Maximilian, qui lui, était resté une petite crevette à côté. Ace devait certainement maintenir son corps en bonne forme à travers du sport régulier, ce qui n’était pas le cas de Maximilian.

« Je n’en reviens pas de tomber sur toi, littéralement ! » avait-il dit, plus a lui-même qu'autre chose. Mais l'on pouvait entendre dans cette phrase, la joie que lui prodiguait cette rencontre inopinée.

Maximilian sentait son cœur se réchauffer et, malgré la surprise de la révélation, esquissait un sourire sincère. Il espérait pouvoir renouer leurs liens d'antan et en savoir plus sur ce qu’était devenu celui qu’il avait autrefois perdu de vue.

Maximilian était sincèrement heureux de revoir Ace. Il ne cachait aucunement sa joie et était certain que son interlocuteur pouvait lire dans ses expressions, les émotions qui le traversaient. Maximilian avait toujours été plus expressif avec son camarade, et en ces circonstances, il n'avait pas l'intention de lui dissimuler ce qu’il ressentait.

À l'écoute des réponses de son ancien ami, Maximilian pouvait sentir le poids du temps qui avait passé. Ça faisait bien dix ans, si ce n'était plus, depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Maximilian réalisait à quel point le scientifique lui avait manqué et à quel point celui-ci pouvait avoir changé en une décennie.

La curiosité de Maximilian grandissait à mesure des réponses d’Ace. Il précisa la raison de sa présence chez le fleuriste en cette matinée et Maximilian voulut en savoir plus. Il voulait connaître le sujet de ses recherches, comment celles-ci se déroulaient, si tout se passait bien… Il retint cependant ses questions pour plus tard, acquiesçant simplement lors de la mention de son propre attachement aux plantes, comme Ace l’avait si bien su à l’époque.

Le scientifique continua donc son récit, indiquant son parcours et répondant à certaines des questions supplémentaires que l’antiquaire se posait intérieurement, rongé par la curiosité. Maximilian eut un sourire apaisé alors qu'Ace parla de son mode de vie désormais plus aisé aux côtés de son petit frère. Il était heureux de voir que ces derniers s’en étaient bien sortis et avaient maintenant une vie plus stable. Il savait que les choses n'avaient pas été toujours faciles pour eux, mais entendre que leur situation était meilleure le rassurait.

« — Et Khalys va bien ? Il laissa échapper cette question parmi les nombreuses interrogations mentales qu’il avait. Qu'est-ce qu'il devient ? » continua-t-il en prenant de ses nouvelles par la même occasion.

Maximilian n’était pas forcément très proche de Khalys lorsqu’ils étaient plus jeunes, mais il connaissait la relation qu’ils entretenaient tous les deux et espérait que tout se passe convenablement pour lui également.

~

« — Et toi, que deviens-tu ? Il me semble que tu avais pour projet d’entamer des études d’histoires. Tu as continué dans ce chemin ? D’ailleurs, je vois que tu es toujours aussi maladroit. »

C’était son tour d’être interrogé par son ancien camarade, mais sur ces dernières paroles, Maximilian ne put retenir une expression légèrement outrée. Lui ? Maladroit ? Impossible ! Il était –peut-être– quelque peu… rêveur ou dans la lune parfois, mais de là à dire qu'il était maladroit ! Il ne l'avouerait jamais !

Il croisa les bras sur son torse.

« — Je ne suis pas- maladroit... ? »

Simultanément à sa réplique, il se rendit compte que ce n'était pas vrai. Il était évidemment maladroit et le fait même qu'il soit entré en collision avec Ace quelques minutes auparavant le prouvait plus que de raison.

Réalisant ce fait, il continua sur un autre sujet, répondant aux questions qu'Ace lui avait posées. Il gardait malgré tout les bras croisés tout en prenant un air un peu boudeur.

« Mais oui, j'ai continué mes études en histoire après que l'on se soit perdu de vue. J'ai fait ça quelques années, puis je suis devenu antiquaire. J'ai une boutique pas très loin. »

Malgré le ton boudeur au départ, celui-ci avait rapidement disparu à la mention de son nouveau métier, se transformant en une certaine fierté personnelle et un engouement non dissimulé. Il était heureux de la vie qu’il menait aujourd’hui.

Ace lui posa une autre question :

« — … J’ai tant changé que ça pour que tu ne me reconnaissais pas ? »

Maximilian ne savait trop quoi répondre. Évidemment qu’il avait changé, physiquement tout du moins. Jamais il n’aurait imaginé que le scientifique devienne… si sportif et musclé. Il ne se souvenait aucunement qu’Ace appréciait le sport, ni même qu’il l’ait détesté, finalement…

Cependant, il remarquait avec joie qu’il n’avait pas tant changé intérieurement. En seulement quelques minutes, Maximilian s’était de nouveau senti comme lorsqu’ils s’étaient quittés longtemps auparavant, mettant de côté toutes leurs différences et le temps qui était passé.

« — Pas tant que ça. »

Il accompagna ses paroles d’un sourire, heureux de retrouver son ami d’antan tel qu’il était autrefois.

Au même moment, il aperçut le fleuriste poser la plante choisie par Ace sur son comptoir. Il arborait un léger sourire, entendant certainement l'intégralité de leur discussion. Bien qu'il attendait son client, il ne les dérangea pas pour autant, les laissant discuter et se retrouver.

Maximilian avait envie de parler plus longtemps avec Ace, mais il se dit que ce n'était peut-être pas l'endroit ni le moment. Peut-être avait-il des choses à faire après être passé chez le fleuriste, et discuter ici, debout au milieu des plantes et fleurs… Le cadre n'était pas déplaisant mais assis autour d'une boisson fraîche –ou chaude, pour ceux qui préfèrent– l'était tout autant.

Dans tous les cas, il était impératif pour Maximilian qu'ils se revoient. Il espérait qu'Ace partage ce sentiment et souhaite également passer plus de temps en sa compagnie, pour rattraper le temps qu'ils avaient perdu.

Lui n'avait même pas fini son tour de la boutique fleurie. Il n'avait pas encore choisi le spécimen qui habillerait l'une de ses étagères et régalerait la vue de tous ceux qui poserait les yeux dessus. Il lui fallait faire un choix rapide s'il voulait rejoindre Ace à la caisse.

« Ta commande est prête, dit-il en montrant du doigt la direction où celle-ci se trouvait, sur le comptoir du fleuriste. Je ne sais pas si tu as du temps libre… mais tu veux bien m'attendre à l'entrée, que je choisisse une plante également avant de te rejoindre ? »

Il souhaitait qu’Ace accepte sa requête et n’attendant pas sa réponse, il disparut dans les allées encombrées de fleurs et de plantes pour en sélectionner une à sa convenance.