Aujourd’hui, je n’ai pas eu une journée trop chargée au travail. La raison ? Les Diligentia et dont Baal sont en expédition et je suis inquiète de ne pas avoir de nouvelles. Je sais que cela n’est jamais facile, mais pour je ne sais quelle raison, j’ai un mauvais pressentiment. J’aurais préféré partir avec eux, mais je n’ai pas pu encore aller une seule fois sur le terrain et ce n’était pas une bonne idée de commencer par cette mission.
Je joins mes mains, j’espère que demain, pour le jour de mon anniversaire, je n’aurai pas un pigeon voyageur m’annonçant la mort de mes compagnons… Mes pensées se tournent vers Baal, bien que je ne le connaisse que depuis quelques jours il a été très prévenant avec moi et s’est montré très amical, j’espère que tout ira bien pour lui.

Enfin, je n’ai pas le temps de plus m’inquiéter car je dois filer pour mon rendez-vous. Je suis vêtue d’une combinaison blanche légère accompagnée de tennis et d’un petit chapeau de paille. On pourrait se penser au printemps avec une tenue pareil et c’est un peu ce que j’essaie de véhiculer. Comme si le fait de m’habiller avec légèreté allait amener la légèreté chez moi, c’est puéril, mais l’on se rattache à ce que l’on peut.

J’avance d’un pas rapide vers l’hôpital et j’essaie de faire abstraction de mes tourments. J’arrive devant la porte du cabinet de Vy et lui réserve un étincelant sourire. C’est un homme très beau et gentil… Malheureusement pour lui, il ne s’intéresse pas à l’amour et donc beaucoup de filles manquent quelque chose.

Je soupire, je sais qu’il faut que j’arrête cette fâcheuse manie de vouloir caser les gens pour les voir heureux… Je soupire et entends mon prénom raisonner dans ces couloirs sans fin. Je chasse mes pensées et entre grand sourire dans ton cabinet.

- Bonjour ! Je vous remercie pour la délicate attention !

Une fois entrée, je saisis la boisson que tu me tends et te remercie de nouveau. Mon regard se perd sur ta personne que je détaille.
En soit… Je suis sûr qu’avec un peu de sommeil et un style différent, tu aurais une montagne de personnes à tes pieds. Je souffle sur mon thé et mes azures se perdent dans le boisé de ton regard.

- Vous allez bien ? Vous semblez avoir peu dormi à nouveau… Vous devriez avoir une petite amie… On dit que cela aide pour les insomnies !

Je rigole doucement, ne prenant pas forcément conscience de l’ampleur de mes propos et je regarde tout autour de moi. Je connais déjà l’endroit, mais j’aime l’analyser sous toutes ses coutures. Je me risque un regard dans la direction de tes certifications et m’en approche. Je hausse les épaules et murmure.

- Tu es le génie que je ne suis pas… Je dis ceci en étant impressionnée, rassure-toi…

Une douce nostalgie prend forme sur mon visage, me rappelant que je suis loin d’être la parfaite jeune fille que j’espérais être…

Je pénètre dans l’antre du praticien de santé psychologique et m’amuse à tout observer et tout complimenter. À cela tu réponds simplement qu’il est normal de réserver le meilleur accueil à ses patients. Je rigole doucement et reprends tes propos avec amusement.

- Attention, bientôt même tes patients qui iront bien voudront continuer à vous voir pour l’unique raison de déguster un bon thé en votre compagnie, agrémenté d’une nouvelle peluche pour enrichir leur collection !

Je t’observe et poursuis la discussion en évoquant la potentielle présence d’une petite amie. Je ne peux m’empêcher de retenir un rire cristallin en te voyant ainsi perdre tes moyens et recracher ta pauvre boisson si fraîchement préparée. Le pauvre, je n’aurai peut-être pas dû ainsi te taquiner, mais cela était si tentant… Et je suis intimement persuadée que compter Fleurette peut bien aider plusieurs cœurs démunis. Même si cela n’aboutit pas forcément à une relation amoureuse, il y a plein de raison pour vouloir s’entourer d’amour… Passer du bon temps, le temps d’un temps, d’une nuit, d’une folie… Peut-être ensuite pour le temps d’une vie.
Mais n’est-ce pas non plus ce que l’on appelle amour lorsque l’on passe des journées avec une personne aimée… Cela peut aller du membre de la famille à une amie très proche, rien n’est figé.
Après tout, si l’humain évolue c’est parce que tout ce qui l’entoure se modifie et n’est que distorsion autour de lui.

Un proche peut disparaître suite à une maladie ou au contraire revenir dans sa vie. Une amie peut devenir un simple oublie ou une petite amie, voir même une sœur de cœur. Un meilleur ami parti peut te faire te rapprocher de ton pire ennemi et voir en lui toute sa richesse. Rien n’est éternel, tout est éphémère et c’est pour ceci que je ne m’inquiète pas pour toi, mon très cher ami. Tu réponds et je pourrais te laisser avec cette pensée si fermée, pourtant, j’ai envie de te la modifier.

- Si votre travail est jaloux d’une potentielle petite amie, c’est qu’il est toxique pour vous. N’êtes-vous pas le premier à défendre la loi du juste équilibre ? De trouver l’entre deux pour que cela soit sain ? Il est bien de s’investir dans ce que l’on aime, mais il ne faut pas s’oublier à côté, sinon cela prouve qu’un déséquilibre néfaste a été créé. Je ne vous direz pas quoi faire pour vos insomnies, mais je peux vous conseiller de méditer pour vous endormir l’esprit tranquille et ainsi fuir les cauchemars qui pourraient hanter vos nuits. Enfin, bien que je vous charriais pour la petite amie, je pense qu’il serait judicieux de penser à sortir en compagnie de personnes que vous aimez et qui vous aime… Et si vous n’avez jamais pris le temps de les trouver, il serait bon pour vous de vous mettre à les chercher dès à présent… Vous devez le savoir mieux que quiconque, mais le rythme des nuits est décidé selon l’état de votre psychologie. Laissez-vous porter sans profiter et le stress ne fera que vous accabler. Apprenez à vivre et à lâcher prise, et votre inconscient vous refera vivre ces bons moments que vous lui avez offerts. Bien que cela n’est pas une science exacte et que certaines nuits, il se pourrait que vous sombriez dans ces néfastes pensées, la plupart de ces dernières seront plus légères.

Pour avoir connu aussi les insomnies et plusieurs cauchemars suite aux interactions avec mes bourreaux, je sais pertinemment à quel point c’est un cercle vicieux. Pour pouvoir s’en sortir il faut changer son hygiène de vie et sa manière de penser. Je sais en ce qui me concerne que beaucoup de choses ont changé une fois que j’ai découvert l’équitation et que je me suis moi-même trouvée créée ma bulle d’air.
Nous reprenons tranquillement et tu rebondis sur une remarque dans laquelle je te décris. Tu me rassures et me fais miroiter un futur que j’aimerais voir se réaliser. Il est vrai qu’il serait agréable de se laisser porter à ces pensées, mais je me vois dans l’obligation de te corriger. Tu prends ensuite de mes nouvelles, mais je ne suis plus concentrée sur ces dernières, préférant aborder un sujet qui me tient beaucoup plus à cœur.

- Je ne suis rien de tout cela, une simple novice prometteuse mais qui ne pourra pourtant rien faire. La raison ? Je vais vous la donner docteur, après tout, je suis là pour cela, je suis incapable de tuer. Comment pourrais-je ôter la vie d’un être vivant, humain, animal ou monstre alors qu’elle est si précieuse ? Pourquoi devoir se battre et ne pas pouvoir cohabiter ?... Bien qu’ils ne soient pas forcément dotés de raisons, ils ressentent la douleur et donc on peut en conclure qu’ils sont en possession de sentiments. Nous ne savons même pas pourquoi ils sont arrivés ici et quel malheur ils ont traversé pour en arriver là. On appelle ce que l’on combat des monstres, simplement parce qu’ils sont méconnus de nous et ce que l’humain ne connaît pas ou est dangereux pour lui est forcément nommé monstre… Mais personne ne s’est-il jamais demandé ce qu’ils faisaient ici ? Cela ne leur fait sûrement pas plaisir à eux non plus, et s’ils nous attaquent, c’est peut-être aussi suite à notre hostilité envers eux. En ce qui concerne les monstruosités végétales, je ne peux mettre d’avis sur ces derniers car je ne m’y connais pas assez… Mais je suis persuadée que celles animales ne sont pas heureuse suite à notre présence. Elles sont arrivées ici et nous, nous les chassons et les tuons simplement parce que nous les craignons… Alors en pensant ainsi, comment pourrais-je ôter une vie de sang-froid dont j’ignore tout ?

Enfin, il serait bon de reprendre le sujet initial qui est comment je me sens. J’éclaircis donc ma voix et reprends calmement.

- Je suis inquiète à vrai dire… Mes compagnons que j’ai entrecroisés et Baal mon très cher capitaine sont partis en mission suicide… Je m’inquiète pour eux. J’ai peur de recevoir demain un pigeon m’annonçant leur mort… Un mort que j’aimerais éviter, mais cela signifie donc tuer pour que ceux que l’on aime survivent et c’est donc un interminable cercle vicieux.

Je regarde au loin le tas de peluches et me perds un peu plus dans mes pensées. Si je prends soin de moi ? Je ne suis pas certaine que l’on puisse dire cela, je dirais même que je m’oublie à travers autrui car je ne veux plus être rejetée. Je hausse finalement les épaules, il n’est pas nécessaire de charger plus longtemps cette première partie de consultation, alors je conclurais tout simplement avec ces propos.

- Ma monture se porte à merveille et me soutient tous les jours comme elle peut, à son échelle… En essayant de m’offrir au mieux ce sentiment de liberté.

Je câline la petite peluche phoque que tu m’as offerte et me demande bien pourquoi j’ai parlé de tout cela… Tu es psychologue et non philosophe ou encore dans le corps de métier qui portent à s’intéresser aux monstres… Pour autant, je voulais en parler… Car je sens que cela me tient à cœur, même si ce n’est pas moi qui aurait dû en parler et que je me suis laissée aller.

Tes propos m’amusent et me font doucement sourire et c’est donc avec cette légèreté que je rétorque :

- Heureusement alors que mon second prénom était motivé ! Cela signifie donc que je serai une des rares à venir prendre du bon temps.

Je t’adresse une moue espiègle tout en haussant les épaules. Je sais que je ne désirerais pas rester enfermer dans un hôpital trop longtemps. J’aime l’air et la nature, j’aime oublier et me sentir libre, exemptée de tout devoir, j’apprécie me promener au creux d’une forêt qui recèle plein de secrets. Tu rebondis alors sur mes conseils et t’entendre me dire que je pourrais devenir la nouvelle cupidon me fait doucement sourire. En effet, j’apprécierais ce rôle, mais malheureusement, je ne suis pas certaine d’avoir ce super pouvoir.
Ce n’est au pire pas bien grave, ce n’est après tout, pas mon métier et il serait donc malvenu de m’immiscer trop dans la vie des gens.
Mais après tout, on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve et peut-être que je serais vraiment énonciatrice d’un couple.

Finalement les sujets dévient et je reste pensive à tes propos lorsque tu permets une réponse sur les craintes qui m’hébergent. Tu ne me juges pas et me comprends plutôt bien même, rien d’étonnant vu que tu n’es pas là pour me condamner mais bien échanger avec moi. Tu reprends cette fois pour me conseiller et je me fais songeuse.

- Il est certain que l’on ne peut changer sa nature, mais je suis faite pour le combat. Je sais attaquer et me défendre, cela ne fait aucun doute et bien que je préférerais que cela se passe ainsi, il faut bien que certaines personnes se dévouent pour vous protéger. Après tout, ce n’est pas ceux qui ont une soif de sang insatiable qui seront les piliers de la ville… Ce sont malheureusement les plus humains qui sauront poser le pour et le contre au bon moment. Il y a certainement toutes ces choses qui pourraient m’attendre chez les scientifiques mais je ne suis pas faite pour les études, je ne veux pas croire que je sois la seule personne à penser ainsi, donc forcément, quelqu’un de bien plus qualifié que moi prendra ce poste, j’en suis certaine.

La discussion reprend son cours et tu me certifies de ne pas douter de ma force. Tu sembles me respecter pour l’être que je représente et j’ai du mal à comprendre pourquoi. Après tout, je ne suis pas une personne qui sauve ses compagnons actuellement contrairement à toi. Je ne fais qu’apporter des viennoiseries et m’entraîner, rien de bien fou.
Je soupire et écoute ton dernier retour qui me fait doucement grimacer. Je ne suis pas dupe, mais je jure que je le ferais sortir par le biais de n’importe qui si ce n’est pas moi, je trouverais quelqu’un qui le fera pour moi.

- Dois-je vraiment vous croire ? Allez-vous vraiment le faire ? J’essaierai de le faire, mais l’heure n’est pas au beau fixe pour prendre soin de moi, je dois déjà trouver ma place. Après tout, je suis encore la petite nouvelle qui ressemble simplement à une poupée à ne pas briser.

Je souris doucement, cela m’affecte, mais je fais avec, je suis habituée après tout à ce que les gens aient une telle image de moi. Cela ne me pose pas plus de soucis que cela. Je bois mon thé et pars dans mes songes, je me demande ce que tu penses de moi, même si tu es mon psychologue tu es l’une des rares personnes avec qui je suis proche… Est-ce que tu m’apprécies un minimum pour ce que je suis ou je ne suis à tes yeux qu’une simple cliente parmi tant d’autres ? Le mystère reste complet.