Damsel in distress ; or not [Ft. Sham]

Damsel in distress ; or not

La nuit est bien avancée ; la lune, telle une reine dans l'écrin velouté de la nuit, entourée de ses sœurs les étoiles, règne en maîtresse dans le ciel, se reflétant dans l'eau calme du fleuve. Une brume légère due au froid s'élève par-dessus le sol, rendant les environs un peu moins accueillant qu'ils ne le devraient. Côté ville, Aethel se promène le long de l'eau, le regard dans le vague, les pensées à des lieues de l'endroit qu'elle parcourt, silencieuse, si discrète dans son errance qu'elle ne remarque pas les silhouettes qui approchent depuis la direction inverse.

« Hé, ce serait pas la Petite Madame ? »
« Mhh ? »

Son attention est attirée par la voix qui s'élève dans l'air nocturne, et ses yeux dorés remontent le long d'un des corps venant à sa rencontre d'une démarche assurée et nonchalante. L'homme est bien plus grand qu'elle, tout comme ses amis, et il ne lui paraît pas plus dangereux que ça, ce qui ne l'empêche pas de se planter devant elle, l'obligeant à s'arrêter net dans sa marche. La rouquine relève la tête, l'air perplexe, et la penche sur le côté comme un petit animal curieux.

« Alors comme ça, on se promène toute seule ? »
« Oui. Un problème ? »

Un rire mauvais échappe à son interlocuteur qui se rapproche pour envelopper les épaules fragiles de l'assistante du Gouverneur, qui se contente de le regarder d'un air impassible. Ses compagnons les encerclent - ils sont quatre au total, le chef de meute compté dedans, et tous affichent des sourires aberrants, dégoulinants d'un plaisir malsain. Visiblement, ce ne sont pas des amis du Gouverneur, et moins encore ceux d'Aethel.

« Pas pour nous. Par contre pour toi, Petite Madame... Si j'étais toi, je me promènerais pas toute seule. »

Se dégageant d'un geste d'épaule, la Balance tourne sur elle-même pour jauger ses adversaires, prête à se défendre au moindre geste agressif. Pour le moment, ce ne sont rien de plus que des malandrins plus courageux que téméraires, et il serait du mauvais effet de se mettre à taper sur la tête des citoyens sans raison valable.

« Merci de vous en soucier. Cela dit, je sais me défendre. »

Comme une réponse tacite à son affirmation, le leader s'empare de son bras, serrant un peu plus fort qu'il ne l'a fait précédemment, arrachant une grimace à la rousse. Les hostilités semblent être enclenchées, mais elle hésite toujours à répliquer, doute qui s'accentue quand un deuxième personnage se saisit de son autre bras pour la maintenir en place. Se débattant faiblement, elle se mordille la lèvre inférieure avant de soupirer profondément.

« D'accord. Vous me tenez. Et ensuite ? »

Sa question sembla déstabiliser ses agresseurs, qui relâchèrent légèrement leur emprise, juste assez pour qu'elle se contorsionne afin d'échapper à leur tenaille. Ne reste plus qu'à les mettre hors d'état de nuire sans pour autant trop les amocher ; ce qui demeure une contrainte relativement ennuyante pour elle qui sait déjà qu'elle ne peut pas se déchainer à son plein potentiel.

Damsel in distress ; or not

C'est alors qu'elle réfléchit soigneusement à la suite de ses actions qu'Aethel se voit prise au dépourvu par une arrivée inopinée ; de derrière l'un de ses adversaires paraît une silhouette silencieuse qui longe le sol comme une ombre indétectable.

« C'est pas du jeu ce que vous nous faites là, Petite Madame. »
« Non. La suite non plus, d'ailleurs. »
« Hein ? »

Cette onomatopée manquant cruellement de classe se voit aussitôt brisée par un cri de surprise de la part de celui qui lui fait face et qui se retrouve étalé comme une crêpe sur le sol pavé, s'y cassant probablement une ou plusieurs dents dans la chute. Sans même attendre une seconde de plus, la forme humaine - car la brune qui vient d'intervenir est belle et bien humaine, même si ses déplacements le sont beaucoup moins - se jette sur un autre assaillant pour venir le plaquer par terre, imposant ses griffes sur son cou qui semble soudainement plus faible à la lueur de la lune pour seule témoin de cette bagarre qui dégénère déjà. L'attention détournée de l'un des malandrins lui offrant une ouverture, la rousse lui fait aussitôt subir une clé de bras pour l'empêcher de s'approcher de sa potentielle alliée, sortant de sa main libre une dague du fourreau attaché à sa ceinture, qu'elle pointe directement vers le visage du leader du groupe.

« Un geste de travers, et c'est votre gorge que je viserai. »

Ce dernier lève les mains devant lui en signe de paix, tout en faisant courir son regard de la brune à la rousse sans trop savoir quoi faire. Finalement, le manque de courage l'emporte, le poussant à reculer, et reculer encore, jusqu'à être sûr de pouvoir tourner le dos à l'assistante du Gouverneur sans risquer de se prendre un coup de couteau entre les omoplates. Filer sans demander son reste - voilà bien la marque d'un vulgaire agresseur, et non pas d'un combattant aguerri. Comme quoi, il faut de tout pour faire un monde... Reniflant de mépris, Aethel tord un peu plus fort le bras de sa victime qui lâche un râle de douleur, tandis qu'elle-même se penche un peu de côté pour observer le combat qui se livre de l'autre côté du corps de son otage.

À la lumière lunaire, elle reconnait alors vaguement les traits de la jeune fille pour l'avoir déjà entraperçue depuis son arrivée en ville. Une sauvageonne - il n'y a pas d'autres termes. Non pas que ce soit un défaut, mais la Balance garde une certaine méfiance envers une personne ayant grandit au milieu des monstres et n'y connaissant rien à la société humaine. Néanmoins, elle lui est reconnaissante pour son intervention, même si elle aurait pu se charger des quatre hommes seule, compte tenu de leur manque flagrant d'expérience au combat.

Notant que le premier étalé est en train de se redresser et vise sa compagne, Aethel lance son couteau avec une précision chirurgicale pile entre les deux pieds de l'attaquant, ce qui a le mérite de l'arrêter quelques secondes.

« Derrière toi. » lance-t-elle à sa compagne, lui indiquant l'hésitant d'un geste du menton.

Elle ne veut pas voir son appui pris par surprise de façon aussi grotesque. Pendant ce temps, son propre adversaire parvient enfin à se dégager de sa poigne et se retourne vers elle, sortant un couteau de sa poche et la menaçant de ce dernier. Perplexe, Aethel lui adresse un haussement de sourcil éloquent, comme pour lui demander ce qu'il attend exactement pour attaquer - défi visible qu'il prend au pied de la lettre, s'avançant vers elle en faisant danser sa lame d'une main à l'autre pour tenter de produire un petit effet sur sa proie. Malheureusement pour lui, il en faut plus à la rouquine pour être impressionnée, et c'est tout naturellement qu'elle prend une position de défense, prête à parer le premier coup.

De l'autre côté, si l'une des proies est effrayée au-delà de toute mesure, et à raison puisqu'un coup de griffe serait si vite parti, l'autre ramasse la dague de l'assistante du Gouverneur pour s'approcher du dos de la chasseresse.

Damsel in distress ; or not

Concentrée sur son propre combat, Aethel donne la priorité à son adversaire. Ce dernier affiche un sourire mauvais, à croire qu'il se persuade que sa seule taille va lui être bénéfique face à une chose aussi menue que l'assistante du gouverneur. À croire également qu'il en a oublié sa fonction première de garde du corps. Dès qu'il se fend vers elle, envoyant son bras armé en direction du visage aux traits fins, la rouquine dessine un arc de cercle avec sa main dominante et le désarme sur le coup. De surprise, il regarde sa dextre désormais vide, puis grogne de colère - un grondement qui n'a rien à voir avec celui de son alliée qui, de son côté, se débarrasse de façon expéditive de sa première proie, le tout d'un coup de coude bien placé sur la tempe.

Elle se jette ensuite sur le bras armé de son second attaquant, croquant sans la moindre hésitation dans la chair exposée. À cette vue, la Balance esquisse un sourire sauvage. De toute évidence, le rapport de force ne mérite même pas qu'on s'y attarde, les deux jeunes femmes tenant facilement tête aux malandrins qui croyaient avoir trouvé une victime facile et se retrouvent avec deux furies sur les bras. Bien sûr, il lui faudra au plus tôt faire un rapport à Asteria, mais Aethel doute même du fait que les hommes viendront se plaindre après une pareille dérouillée, surtout au vu de la raison de leur attaque.

Et en parlant de dérouillée, elle s'élance sur son propre adversaire, le déstabilisant d'un coup d'épaule dans le plexus solaire - comme quoi, la taille n'est pas toujours un avantage - avant d'enchainer sur un croc-en-jambe qui l'envoie valdinguer au sol, son dos cognant violemment la route pavée. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il peut enfin constater la situation dans laquelle se trouvent ses deux autres compagnons et qu'il écarquille les yeux de peur, l'image de la sorcière rousse s'y reflétant tandis qu'elle vient poser un pied sur son torse pour lui intimer de ne pas se redresser pendant qu'elle admire le spectacle de la sauvageonne au visage recouvert de sang. Sa victime n'en mène pas large et perd toutes ses couleurs face au sourire carnassier de la jeune fille, qui se met alors à compter lentement mais sûrement.

Moyen de dissuasion efficace puisque l'homme recule d'un pas, de deux, puis n'y tenant plus se retourne pour prendre la fuite, abandonnant ses deux camarades encore présents, dont l'un dans les pommes. Déterminée à ne pas être en reste, Aethel se déplace de quelques pas, se penche sur son jouet et, après lui avoir fait signe de se taire d'un index posé sur les lèvres, lui envoie un coup de poing bien placé sur la tempe pour lui faire voir les mêmes étoiles que son compagnon non loin de là.

Et c'est ainsi, dans le plus grand silence, que s'achève le combat - ou l'ersatz de combat, en l'occurrence. Même à quatre, ces hommes n'avaient tout simplement aucune chance contre les deux jeunes femmes réunies. En parlant de celles-ci, la première se retourne vers la seconde et s'approche d'elle, penchant la tête de côté pour mieux la dévisager, gravant chaque trait ensanglanté dans sa mémoire infinie tout en esquissant une moue curieuse.

« Toi. Qui t'as appris à te battre ? »

Certainement pas quelqu'un d'ici, sa méthode est trop brute pour ça, donc forcément quelqu'un ou quelque chose vivant hors des remparts. Mais qui, ou quoi ? Ne s'étant pas penchée sur son cas plus tôt, Aethel est maintenant véritablement intriguée par son interlocutrice, oubliant même les politesses d'usage comme le fait de, par exemple, se présenter avant de poser des questions.

Damsel in distress ; or not

La chasseuse semble intriguée - un sentiment partagé par Aethel, qui la regarde maintenant de haut en bas tandis qu'elle lui répond ne pas savoir se battre. Ainsi donc, le concept même la laisse froide. Bien, c'est donc la chasse qui prime dans son esprit. Survivre ou mourir, une idée simple aux embranchements multiples et dangereux, semble donc plus dans le ton de la conversation. Les ennemis ne sont donc rien de plus que des proies contre lesquelles il faut faire preuve d'ingéniosité pour gagner. Ou de brutalité, dans le cas de ceux qu'elles ont mis hors d'état de nuire ce soir. En jetant un œil aux deux abandonnés, la rouquine ne peut retenir une grimace de dégoût. Il faudra vraiment qu'elle fasse un rapport de la situation.

Toutefois, son attention revient rapidement sur la sauvageonne qui pointe son crâne d'un doigt, grimaçant à son tour. Bien malgré elle, la Balance laisse échapper un gloussement.

« Très mauvaise. Mais reconnaissable. »

Il est un fait qu'elle peut difficilement se targuer d'une discrétion sans faille avec ses cheveux cuivrés, mais il n'est pas non plus désagréable, dans ses fonctions, d'être aisément identifiable. Ce n'est pas non plus comme si elle sortait souvent, et encore moins pour chasser. Les monstres, voilà bien une chose qui est révolue pour elle depuis qu'elle a rejoint le service du Gouverneur, bien qu'il lui arrive occasionnellement de venir aider la Militia aux abords de la ville. Ses ennemis, maintenant, sont ceux qui voudraient se rapprocher du Gouverneur pour tenter de s'en débarrasser. Dans le même temps, c'est sans réfléchir qu'elle récupère la dague que lui rend sa vis-à-vis et qu'elle la range bien à sa place dans son fourreau de cuir épais. De fait, c'est tout naturellement qu'elle répond dans le sens de la conversation, sans se troubler du langage limité de son interlocutrice.

« Autodidacte, puis la Militia. Je me bat pour la survie d'un autre. Pour lui, je donnerai ma vie - mais chèrement. »

S'il lui faut mourir pour protéger Asteria, elle le fera, mais ne s'offrira pas gratuitement à ses adversaires, comme en témoigne le combat qui vient de se dérouler à l'instant. D'un autre côté, elle ne néglige pas sa propre vie pour autant ; pour être une garde du corps efficace, elle continue de s'entrainer avec les meilleurs afin de s'assurer une espérance de vie plus longue. Pas question de crever comme une merde contre moins bon qu'elle. Et en parlant d'entrainement...

« Dis-moi, est-ce que tu accepterais de m'apprendre ? »

L'occasion est trop belle, trop tentante pour ne pas poser la question qui lui brûle les lèvres depuis qu'elle a vu la brune arracher la chair de son adversaire avec ses dents. Son style est tellement naturel, tellement brutal et surtout inattendu qu'il vaut la peine d'être étudié. Cela dit, l'assistante ne se fait pas d'illusion - c'est une méthode qui doit s'apprendre sur le terrain, en situation réelle, où l'instinct doit prendre le dessus sur les pensées consciente ce qui, pour elle qui a un esprit très analytique, risque d'être compliqué. Mais la jeune femme est une excellente apprentie, aussi ne doute-t-elle pas une seule seconde de sa capacité à atteindre les mêmes réflexes que la chasseresse.

Finalement, elle décide de se pointer du doigt et esquisse un sourire en coin en annonçant enfin son identité, comme si elle venait de se rappeler les formules de politesse les plus basiques.

« Aethel. Et toi ? »

Ce faisant, elle fait signe à sa 'sauveuse' de la suivre le long de la rive, pour s'éloigner des corps puants de leurs victimes qui, à coup sûr, ne se réveilleront pas de si tôt et le feront avec un mal de crâne de dieu le père.

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Les sourcils et le nez se froncent dans le signe évident d'une intense réflexion. Peut-être se dit-elle qu'en cet instant précis, Aethel ne s'est battue pour personne d'autre qu'elle-même, ce qui est vrai. Un fin sourire étire les lèvres pleines de cette dernière. En effet, il lui arrive de se battre dans d'autres circonstances. Le plus souvent, dans le cadre de ses entrainements réguliers, mais aussi pour se défendre contre ceux qui estiment qu'une si petite chose ne peut être capable de protéger efficacement Asteria, et encore moins sa propre personne - ce qui est une erreur monumentale de leur part, en témoignent les quatre malandrins de ce soir.

S'en suit un regard plein d'interrogation à sa demande d'apprentissage, ce à quoi la rousse esquisse un nouveau sourire. Peut-être va-t-elle trop vite en besogne, ne laissant pas le temps à son interlocutrice de capter toutes les subtilités de sa demande. Après tout, elle semble associer le combat et la chasse d'une façon bien particulière, aussi doit-elle se dire qu'Aethel maîtrise déjà les deux. Finalement, la sauvageonne se présente à son tour, et il n'en faut pas plus à l'assistante du Gouverneur pour tilter sur le nom qui lui est donné - Yun, comme le Capitaine de la Diligentia, qui s'avère aussi être de la constellation du Sagittaire. Un protecteur de choix, peu de personnes oseraient se frotter à Sham en ayant connaissance de cette affiliation.

Vient ensuite la question qui macère depuis les quelques minutes nécessaires aux présentations. À celle-ci, la jeune femme aux yeux d'or fondu hausse légèrement les épaules avant de répondre.

« Me battre, oui. Chasser, non. »

La chasse, voilà bien un grand mystère pour elle. Tout ce qu'elle en sait, de façon évidente, c'est que sa chevelure ne l'y aidera pas. Cela dit, une capuche par-dessus ses cheveux attachés comme à leur habitude, et l'affaire sera réglée. Pour le reste... Le sens du vent et autres subtilités lui échappent complètement. Elle en connaît la théorie, mais n'a jamais mis tout ça en pratique. Par exemple, il ne lui viendrait pas à l'esprit de se déplacer comme sa compagne, même dans la nature. Pourtant, c'est une évidence quant au fait qu'elle est plus discrète comme ça, surtout dans l'obscurité étoilée de la nuit. Bien droite à ses côtés, Aethel se sent presque de trop. Cela dit, ça équilibre la différence de taille, ce qui n'est pas désagréable en soi.

À la proposition de la brune, la sorcière aux cheveux carmins éclate d'un rire léger qui lui secoue les épaules. S'emparant de la longue tresse qui lui retombe entre les omoplates, elle la ramène sur son épaule et lui jette un coup d'œil pensif. Couper. Voilà bien quelque chose qui ne lui a jamais traversé l'esprit. Secouant la tête, elle enroule la tresse sur elle-même et la remonte sur son crâne, pointant le chignon improvisé de l'index.

« Inutile. Je peux les attacher. »

Et pour illustrer plus avant son propos, elle remonte la capuche de sa veste pour recouvrir sa tête, ne laissant visible que les mèches rebelles de sa frange sur son front. Relâchant ses cheveux, ceux-ci retombent dans la capuche, ne se révélant plus à la vue de sa vis-à-vis.

« Dis-moi, Sham. » lâche-t-elle, prenant un embranchement dans la discussion. « Ça ne t'est pas venu à l'idée de rejoindre la Diligentia ? Tes capacités pourraient être utiles, surtout pour les éclaireurs. »

Damsel in distress ; or not

Au reniflement de son interlocutrice, Aethel comprend dans l'instant que la Diligentia n'est pas dans ses projets immédiats. Peut-être même pas à long terme, d'ailleurs. À voir. D'un autre côté, le contraire aurait été étonnant. Rien qu'à la façon dont elle se déplace, la rousse peut constater que Sham n'a rien de commun avec les membres de la division des éclaireurs, ce qu'elle déplore parce qu'elle ne doute pas qu'elle pourrait leur en apprendre beaucoup.

« Tu as toujours été seule ? » demande-t-elle, sincèrement curieuse de la réponse.

L'idée elle-même fait remonter un frisson le long de son échine. Seule dehors, elle-même ne donnerait pas cher de sa peau, alors pour une jeune fille à peine majeure... La vie n'a pas dû l'épargner. D'un autre côté, l'assistante du Gouverneur sait que tout le monde n'est pas en accord avec les valeurs d'Aurora, en témoignent régulièrement certaines de ses connaissances, et n'est pas plus étonnée que ça de savoir que d'autres humains vivent en dehors des remparts de la ville. C'est juste... déroutant, pour elle qui n'est jamais sortie plus loin que les champs adjacents à la cité.

À la suite de la conversation, Aethel laisse échapper un rire léger. Effectivement, pour quelqu'un ayant passé la majorité de sa vie dans la nature hostile, les dangers de la ville doivent lui paraître ridicules, et ce n'est pas les voyous qu'elles ont si brillamment mis hors d'état de nuire qui vont lui faire changer d'avis.

« Tu serais surprise de voir comme le danger peut se trouver à tous les coins de rue, même à l'intérieur des murs. » dit-elle d'une voix digne d'un murmure. « Cela dit, je t'accorde que ça ne relève pas de la chasse. »

Puis elle s'arrête, penchant la tête de côté pour réfléchir plus avant à la question de sa compagne. Pourquoi vouloir apprendre à chasser ? Parce que la droiture ne suffit pas toujours. Les règles, les ordres, tout ça c'est bien beau, mais une fois en situation réelle, il faut savoir réagir sur le vif, sans réfléchir, par instinct et, du fait de sa position bien particulière dans la hiérarchie, la rouquine peut se permettre de faire ça sans s'attirer les foudres de quiconque, sinon celles d'Asteria qui a le mérite de lui accorder toute sa confiance.

« Ici, oui. Maintenant. Mais qui sait ce que demain peut apporter ? »

L'idée lui fait froid dans le dos. Il suffirait qu'Asteria se mette dans l'idée de sortir pour rassurer les habitants, et la combattante ne sera rien de plus qu'une proie de plus pour les monstres qui connaissent un terrain qui lui est étranger. Non pas qu'elle le laisserait faire, mais qui peut aller contre l'avis de son Gouverneur ? Aethel veut être prête à tout et, pour ce faire, elle se doit d'étendre le champ de ses compétences.

« J'aimerai savoir agir, et pas seulement réagir. Prendre l'initiative, plutôt que de subir. »

Damsel in distress ; or not

Réponse positive, d'un hochement de tête de la part de son étrange interlocutrice au sujet de sa solitude. Pour le coup, cette affirmation ne fait que déclencher un véritable déferlement de questions qui se bousculent dans la jolie tête tousse, comme qui sont ses parents, où ils sont  passés, qui lui a appris à se déplacer ainsi dans la nature, comment elle a pu survivre aux monstres sans personne pour l'accompagner. Exactement le genre de choses qu'Aethel, par pure bienséance, ne demandera pas de vive voix - ou tout du moins, pas de façon aussi directe.

Elle se contente donc d'écouter sa vis-à-vis, hochant par moment la tête pour indiquer qu'elle ne rate pas la moindre information, aussi infime puisse-t-elle paraître.

« Spontanée. Oui, c'est exactement ça. » lâche-t-elle en posant un index songeur au coin de ses lèvres. « L'être n'est pas nécessairement une mauvaise chose, à condition de bien le doser. »

Par exemple, dans le cadre de ses prérogatives, il peut être tout aussi important d'être directe, dans la réaction pure, que de parfois faire preuve d'un peu plus de retenue, en comptant précisément ses cartes et en sachant comme les jouer. Malheureusement, si son caractère peut être dur, son instinct n'est pas aussi affuté qu'elle le voudrait, et c'est précisément ce qu'elle veut travailler en apprenant les rudiments de la chasse avec la jeune fille à ses côtés.

« Essayer, c'est mieux que ne rien faire. »

Un principe de vie auquel la rouquine tient à rester fidèle, n'en déplaise aux bureaucrates qui se suffisent à rester assis derrière un bureau. Son job à elle ne se contente pas de remplir des petits papiers à longueur de journée, même si ça fait partie de ses fonctions, mais de prévoir et de prévenir des potentielles situations d'urgences pouvant arriver autour du Gouverneur. Aussi finit-elle par hocher la tête à son tour, de façon toute aussi franche.

« Je veux - je dois - devenir la protectrice et la chasseresse d'Asteria. Son bouclier, et son épée. Pour que rien ni personne ne puisse l'atteindre. »

Non pas qu'il soit complètement incapable de se défendre, mais un homme seul ne peut pas grand chose contre la masse, sans même parler des monstres qui grouillent hors des remparts. Il arrive même parfois qu'Aethel fasse le chien de garde en plein milieu de la nuit, de peur que quelqu'un décide de profiter de l'obscurité pour se glisser jusqu'à lui - aussi ne dort-elle pas beaucoup, rattrapant ses heures de sommeil par à-coups lors de la journée.

« J'imagine qu'en étant seule, tu n'as jamais connu le besoin viscéral de protéger quelqu'un d'autre contre les dangers extérieurs. C'est quelque chose qui… te prends aux tripes. » fait-elle en esquissant un geste vers son ventre, serrant le poing devant ce dernier.

Quand quelqu'un devient plus important que soi-même, et qu'on ne peut plus penser qu'à cette personne - un sentiment qu'elle estime proche de l'amour, en somme, même si elle n'a jamais connu plus que des amourettes factices. Après tout, si on lui demandait à l'instant de choisir entre sa vie et celle d'Asteria, son choix se porterait d'office sur ce dernier, au mépris de la peur que peut lui inspirer la mort - de façon très ironique compte tenu de son pouvoir.

En revanche, la jeune femme ne ferait ce choix pour personne d'autre, considérant que sa propre vie n'est réservée qu'à une seule personne au monde. Certains parlent d'obsession, elle parle de bon sens - sans Asteria, Aurora ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui, et serait certainement moins bien que ce qu'elle sera demain grâce à lui.

« Cela dit, je te fais aussi cette demande pour moi personnellement. Pour m'améliorer. »

Parce que chaque être humain peut toujours s'améliorer et apprendre au contact des autres, raison pour laquelle elle ne rejette pas tout net ce que la sauvageonne peut offrir. La rousse estime, au contraire, que son allocutrice a beaucoup de dons à partager pour qui saura où chercher, et dans quel sens l'aborder.

Damsel in distress ; or not

Le danger est présent à tous les coins de rue, Aethel le sait de source sûre - pourtant, survivre ne lui semble pas toujours le plus important. Pas sa survie personnelle, tout du moins. À moins que… Sa survie lui assure une protection plus longue et plus efficace de celui dont elle est en charge, aussi l'affirmation n'est-elle pas tout à fait fausse, voir pas fausse du tout. Cette réflexion arrache un sourire à la rousse, qui finit par hocher la tête pour marquer son approbation. Il n'y a que ceux qui survivent qui peuvent se targuer d'être de véritables boucliers - ainsi donc faut-il placer sa propre survie avant celle des autres, pour mieux être là, debout, le moment venu de les défendre corps et âme.

Suivant du regard les mouvements de son interlocutrice, la rousse s'exécute dès l'ordre émis, s'asseyant à son tour au sol, jambes repliées contre son torse pour être apte à se redresser plus vite si nécessaire. Cela dit, une fois les malandrins éparpillés ou sonnés, il ne reste plus rien pour déranger leur petite promenade nocturne, et moins encore pour déranger le test que vient de lui concocter la brune.

Écouter.

Non, faire plus que ça. Entendre. Deux mots qui semblent jumeaux mais qui, une fois formulés correctement, peuvent indiquer deux choses parfaitement différentes. Il est aisé d'écouter, mais plus dur d'entendre vraiment ce qui nous entoure. Ainsi commence son exercice, auquel elle se plie en fermant les yeux, s'ancrant dans la sensation froide des pavés sous ses fesses et de la brise sur sa peau.

« Je m'entends, moi. » commence-t-elle en développant ses sensations depuis un point central à son corps. « Ma respiration. Mon cœur qui bat. Le sang passant par mes tempes. »

Elle perçoit également ses pensées qui partent dans tous les sens et qu'elle force à rester en place. Sa respiration devient plus profonde, plus calme, tandis qu'elle pose ses mains de chaque côté de son corps pour mieux s'enraciner dans ce sol sur lequel elle repose.

« Maintenant, je te perçois toi. » commence-t-elle en développant ses sensations depuis un point central à son corps. « Tu respires lentement, de façon modérée. »

Comme une vraie chasseuse, aussi détendue que la nature elle-même, qui vit sa vie sans se soucier du monde des Hommes. Comatant presque dans sa concentration, elle s'applique à s'étendre au-delà de leurs deux corps proches l'un de l'autre.

« Le vent dans les fleurs - son absence lorsqu'il percute notre peau. Le glougloutement de l'eau contre les bords du fleuve, et un poisson qui vient tout juste de remonter à la surface. »

En dehors de ça, la nuit est calme - les insectes attendent une saison plus chaude pour faire entendre leurs chants divers et variés, et aucun animal ou monstre n'est à proximité du point d'eau. Quelque part, plus loin, un son se fait entendre, tellement infime qu'elle doute même de l'avoir entendu. Elle s'y risque malgré tout.

« Des volets qui se ferment. »

Au final, toute une vie nocturne se déroule autour d'elles, insensible à leurs préoccupations. Après un silence un peu plus long que les précédents, elle rajoute dans un murmure qui serait inaudible pour d'autres mais qu'elle sait sa camarade capable de percevoir :

« Le calme n'est qu'une illusion. »