Ne pas se fier de l'eau qui dort ~ [PV Baal]

  « Je ne me débarrasserais pas de toi ».

Voici les mots prononcés qui s’encrent au plus profond de mon être. Tu ne sais pas à quel point tu viens de me délester d’un poids certain. Même si tes propos sont secs, cela me rappelle juste à quel point je suis déjà si bien intégrée dans cette équipe que tu manies d’une main de maître. Ma tête bascule dans ta direction pour t’observer et essayer de comprendre jusqu’à quel rempart je peux me débarrasser pour ne pas souffrir ?

Si j’avais su plus tard ce qu’il adviendrait de mes sentiments, j’aurais fait en sorte de tous les garder pour ne pas craquer pour toi…

Ton océan d’or balaye la tempête qui fait rage en mon for intérieur et se fait canaliser par la puissance de ton regard et de ton être. Tu continues avec des propos rassurants et je me détends un peu plus, enlevant une des barrières que j’avais imposé pour encaisser les potentiels retours médisants que tu aurais pu me sortir.
Tu me comprends et me réconfortes. Je baisse les yeux sur mes mains que je triture farouchement alors que le voile commence à disparaître de mes yeux.

Tu es persuadé que je n’y prendrais pas goût, mais comment peux-tu et en être si certain ? Je ne sais ce que tu aperçois à travers moi et c’est ce qui me fait hésiter. Je décide tout de même de relever la tête et te regarder avec toute l’émotion qui a empreint mon âme au cours de cet échange. Tout en faisant cela, tu me demandes de comprendre que je devrais tout faire pour survivre. Les barricades s’échappent et à ta proposition je me permets de souffler de nouveau. Les joues rosies de bonheur et c'est soulagée que je pose ma main sur la tienne.

- Merci de m’avoir dit tout cela ! Il est vrai que j’avais surtout peur que la mort engendre la soif de tuer, mais c’est stupide… Je vois bien pourtant que vous n’êtes pas ainsi et c’est pour cette raison… Que j’accepterais ton aide avec plaisir.

Par moments, je me sens vraiment stupide. Je ne remarque même pas le contact hasardeux que j’ai imposé et d’un côté heureusement, car je pense que j’aurai envie de disparaître rapidement pour avoir osé agir ainsi avec mon chef ! Achevez-moi, je vous en supplie.

- Je m’excuse aussi, car je t’ai fait quelques remontrances à l’idée que tu puisses te sacrifier pour nous, mais au final, je suis pareil… On fait une sacrée paire à nous deux…

De ma main libre je joue avec une mèche de mes cheveux et te regarde un peu plus timidement.

- En-tout-cas… Je te promets que je ferais au mieux… Pour me battre à tes côtés et… Survivre à tes côtés. Je ne veux pas faire peser sur ton âme et conscience ma mort… Alors je ferais en sorte de vivre le plus longtemps possible !

Je rigole doucement. Je redoutais tellement ce moment qui s’est pourtant avéré si simple. Tu es vraiment une personne merveilleuse et j’aimerais vraiment te le faire savoir et t'en faire en prendre conscience. J’ai de la chance de t’avoir comme Lieutenant.

 Je n’avais pas remarqué cette main traîtresse qui est la mienne… Mais ne vous inquiétez pas que je m’en suis TRÈS VITE rappelée quand tu me l’a saisie.
Je ne dirais pas que j’ai eu des papillons ou autres prémices de l’amour, mais j’ai eu les joues qui ont chauffé et je me suis très bien rappelée que j’étais novice en relations… Encore plus avec une personne du sexe opposé de moi, qui plus est… Est mon chef.
Alors je t’observe ainsi, les yeux très lumineux, à t’écouter d’une oreille et me répéter encore et encore « Tout va bien, il te voit comme une petite sœur… Oui c’est ça et moi aussi… Ouais non je n’arrive pas à le voir ainsi, cette comparaison me répugne… Bon bah il est juste très amical, on se calme ! »

Facile à dire, n’est-ce pas ? Mais cette main qui serre la mienne est bien celle d’un homme. Elle est grande, calleuse, douce et dégage une chaleur réconfortante. Je l’observe songeuse, un demi-sourire s’esquisse à la sensation de ta paluche. En effet, tu es l’incarnation de l’homme et moi je ne suis que pudeur face à toi.

Mais Vi ! Arrête de rêvasser ! Certes c’est un homme et un bel homme qui plus est ! Mais il est en train de te parler !
À la réalisation de tout ceci, je prends rapidement la parole.

- Je serais fière et heureuse si je pouvais devenir comme toi… Mais cherchons à atteindre l’accessible. Bien qu’il me sera difficile de me battre pour moi-même, pour ma vie, plutôt que pour celle des autres… Je te promets que je ferais mon possible… Et… Je ferais ce pourquoi on est fait, je lèverais ma lame lorsqu’il faudra protéger cette ville à la demande de nos collègues car je suis douée pour cela et que rien ne me ferait plus plaisir que de voir le sourire paisible des gens à notre retour, car ils n’ont pas à angoisser de l’arrivée de ces bêtes aux remparts de leur chez eux.

Je te regarde avec tendresse, alors que je ne fais désormais plus attention à notre contact impromptu. Tu reprends la parole suite aux miennes et j’affiche un air renfrogné et boudeur à l’évocation de tes propos. Je gonfle mes joues, mécontente, avant de laisser échapper l’air pour t’exposer mon point de vue.

- Et moi je continue de penser qu’il est primordial de se sacrifier pour toi… Disons que tu meurs par ma faute, je serais tellement sous le choc et avec le sentiment de culpabilité que je serais incapable de prendre la tête du groupe et leur demander de se rassembler et de fuir. Le poids sur le moral que cela infligerait risquerait de mettre en péril tout le monde, on serait tous déboussolés et abattu se disant que si tu n’as pas pu t’en sortir, toi, notre capitaine, personne ne pourra. Donc désolée, mais si tu dois me détester pour cela, je ferais tout pour empêcher avec mon pouvoir ou de par mon corps, quiconque te tuer. Je m’interposerais et te demanderais de réfléchir correctement si tu veux te sacrifier et perdre tout le monde ou me sacrifier et ne perdre que moi.

Mon regard se fait franc, ce n’est pas pour te blesser ou par manque de respect pour moi-même que je prononce ces mots, c’est réellement par conviction d’avancer un argument juste.
Je suis née sous la constellation et le signe du poisson… En cela, je suis l’incarnation même de mon signe. Je suis rêveuse, attendrissante, philosophe, réfléchie et… Déraisonnable. Sensible et indulgente, je ne pourrais jamais te laisser mourir pour moi et fuir suite à cela. Malgré tout, ma forte intuition nous permettra peut-être d’éviter bien des situations désagréables… Mais oui, il m’est difficile de me faire passer avant tout le monde et je reprends.

- Si je me sacrifie pour un autre, cela ne sera pas voulu, mon corps aura bougé tout seul avant même que je ne comprenne ce qu’il s’est passé. Et pourtant, je sais qu’il ne faudrait pas, étant une des 12, tout comme toi… Donc, oui, désolée de te garantir un arrière-goût d’échec, mais je suivrais la voie qui sauvera le plus de monde au mieux et tu es cette voie.

Je pense que mes propos ne t’ont pas plu ou du moins déstabilisé vu que ta main quitte la mienne pour rejoindre tes cheveux. Tu sembles perdu dans un tourment d’émotions. Nous faisons bien la paire tous les deux actuellement… Je baisse les yeux en soupirant, mal à l’aise.
Je ne vois donc pas ta main arriver, mais je la sens très vite. Mes pommettes rosissent, je remonte mes saphirs timidement dans ta direction alors qu’ils luisent d’un nouvel éclat.
Est-ce qu’un regard peut tuer ? Car actuellement, j’ai l’impression que le tien va me rayer de cette vie. Je mordille nerveusement mes lippes avant de sentir ta main relâcher mon visage et donc le palpitant au passage que tu avais pris en otage et faisais tambouriner avec force.

Je me redresse pour arriver à ton niveau et dépose un délicat baiser sur ton front pour essayer ainsi de faire s'envoler tes préoccupations. Je reste quelques secondes ainsi avant d’apposer une main réconfortante sur tes cheveux que je caresse doucement.
Oui.
Foutue pour foutue, je ne peux pas être une Violette et voler la teinte plus que cela du coquelicot, donc maintenant que je suis ainsi, un peu plus, un peu moins… Autant y aller à fond si cela permet de te réconforter.

- Je ferais au mieux… C’est tout ce que je peux te promettre… Mais je ne peux permettre que la vie nous retire une personne merveilleuse telle que toi. Mais je te promets, tout ira bien… Rien de tout cela n’arrivera, alors ne te tourmente pas trop. Souris à la vie et elle n’en sera que plus embellie et te fera tenir bon, même dans les pires situations.

Une phrase que je me suis répétée un nombre incalculable de fois. Elle n’est pas miraculeuse, mais permet au moins de ne pas sombrer dans des ténèbres si profondes, que même la lumière ne peut plus t’atteindre.

 Tu sembles empreint de bien des réflexions alors que j’échange avec toi sur ma manière de percevoir les choses. Je plisse mon nez dans un signe de mécontentement lorsque tu t’exprimes, mais il ne serait pas bon d’attiser le feu pour le moment… Oh et puis pourquoi pas ! On est là pour échanger après tout !

- Douze ou non cela change beaucoup. Tu es fort, on a confiance en l’idée de te confier notre vie car on sait tous que ce pouvoir, on l’a depuis longtemps et qu’on a appris à le maîtriser… Mais à tout moment, si l’un de nos rangs récupère ton signe et donc ton pouvoir je suppose ?… Imagine, il crame par inadvertance nos habits car il a laissé ses émotions prendre le dessus ? Tu penses que l’on ne sera pas décontenancé et mis en danger.

J’émets un petit sourire pour montrer que cela est une taquinerie pour détendre l’atmosphère devenant pesante… Mais je sais que tu comprendras l’idée de fond que j’essaie de véhiculer, on a grandi avec les démons de nos pouvoirs.
Ils nous ont meurtris et blessés la plupart du temps et une fois maîtrisé, nous ont bien souvent sauvé… Je frissonne à cette idée, non, décidément, les miens n’ont jamais été utile dans ma vie vu que je n’ai jamais été réellement mise en danger.

Le ton change, je m’exprime de nouveau et agis en plus de cela en lui offrant une caresse sur la tête… Pour autant, bien qu’un visage timide fasse surface à la suite de mes propos, la tendresse du moment s’envole pour faire place à plus de dureté.
Je t’écoute à mon tour en toute objectivité et remarque que je me suis quelque peu mal exprimée. Il est vrai que l’utilisation des mots choisis étaient un poil trop personnel.
J’écoute jusqu’au bout, noyant tes ambres dans un océan incandescent dont on ne peut s’échapper. Une fois que je remarque que tu en as terminé, je m’installe confortablement dans mon dossier, commande un second remontant et t’en propose un au passage, puis reprends avec douceur, essayant de mieux maîtriser mes propos.

- Je m’excuse pour cette intrusion et me permets d’éclairer mes propos. Quand je dis merveilleux, c’est suite au constat de cette journée. J’ai beau ne pas te connaître, tes subordonnés, eux, si. On ne suit pas les yeux fermés une personne indigne de confiance. On ne se confie pas non plus à lui si ce dernier n’est pas gentil ou encore attentionné. On ne devient pas lieutenant si l’on est incompétent et l’on ne peut forcer le respect, pourtant respecté, tu l’es. Je sais aussi que tes actions sont réfléchies, mais je préfère être transparente, bien que je le fais avec maladresse malheureusement.

J’incline doucement la tête vers le bas en signe d’excuse et de respect, puis redresse mon regard en t’offrant une petite moue désolée. Je frotte à mon tour ma nuque et rehausse mon regard puis ose demander d’une petite voix.

- Est-ce qu’il serait possible les premières fois sur le terrain que j’assure l’offensive ou la défense ou les deux, peu importe… Mais que s’il est nécessaire de tuer… Je ne sois pas celle qui le fait ? Et quitte à être gourmande dans mes demandes, commencer par des créatures semblables à des plantes pour tuer, plutôt que celles aux apparences plus animales ?

Je pense qu’une première fois sur le terrain, c’est vraiment dur de commencer par du sanguinaire. Et donc plutôt évoluer avec des plantes en premier lieu pour essayer de m’habituer à tuer… Mais cela va être vraiment compliqué. Et si je me mettais à pleurer face à la souffrance de notre vis à vis ?!
Note à moi-même, emmener des mouchoirs et me cacher lorsque je sentirais les larmes monter.

 J’écoute tes propos des plus justes, mais je ne compte pas te laisser t’échapper si facilement face à moi. J’hausse donc un sourcil dubitatif et d’un regard acéré, te demande mine de rien.

- N’es-tu pas le premier à m’avoir donné de la valeur de nous deux ? Si tu penses qu’une journée ne suffit pas pour déterminer la valeur d’une personne, pourquoi l’avoir fait ? Tu m’as donné une certaine valeur dans le combat que j’ai dû rectifier au vu de mon problème actuel… Mais aussi dans mon comportement, tu t’es aussi fait une idée. Nous sommes humains et cela fait partie de nous de chercher à catégoriser un minimum les personnes. Savoir si elle nous offre une bonne impression ou de l’aversion par exemple. Quant au reste… Tout dépend de la capacité d’analyse de chaque et sa façon d’observer autrui… Certaines personnes sont amies depuis des années mais ne se connaissent pas à force de courir après les autres, ils ne connaissent pas qui les entourent… D’autres au contraire prennent leur temps et enfin… D’autres font miroiter la connaissance absolue sur sa personne alors qu’en fait… Ils ne connaissent rien de cette dernière.

Je ne dirais pas dans quelle catégorie je suis. Mais un caméléon se doit de s’entendre avec tout le monde. Prendre sur lui, sourire, se confier sur des futilités et jamais… Au grand jamais dévoiler la vérité sur ce qui l’a forgé.
Tout le monde combat, tout le monde se sent unique et tout le monde a vécu sa propre misère, ses propres enfers à supporter. Je ne me départis pas de mon regard et une autre requête se formule. Tu sembles prendre le temps d’y réfléchir.
Tu prends des précautions, arguments valides, on ne sait jamais ce qui se trouve aux abords de la ville, même si cela n’est pas censé être trop menaçant. Il y a des échappés comme partout… Serais-je l’une d’elles ?
Une exception qui me ferait essuyer un traumatisme de plus dans ma misérable vie ?
Mon regard s’attarde sur tes prunelles, mes sourcils se froncent et je tends ma main comme pour finaliser ce contrat oral.

- Je sais bien que l’on ne sait jamais à quoi s’attendre, mais je te remercie de prendre en considération ma demande. Cela me touche. Et je m’excuse de te demander de finir pour notre première sortie… Je promets vite de progresser, mais j’ai d’abord besoin de voir la mort une fois je pense avant de l’exécuter.

Mes joues rosissent de malaise. Je suis bien égoïste et impertinente à faire pareilles requêtes… Mais le pire dans tout cela ? C’est que tu me gâtes en les prenant en considération. Je suis soulagée d’avoir pareil chef que toi. Quand j’avais voulu aborder le sujet avec Mère, j’avais eu le droit à une gifle et un hurlement.
Comme quoi on ne s’était pas entraîné tout ce temps pour faire de la broderie chez les Diligentias et qu’il fallait que je me fasse une raison. Bien que je l’avais trouvé cruelle sur le coup, avec le recul, je peux la comprendre. Elle a commencé à m’entraîner en tant que lieutenant et a fini ce dernier en tant que retraitée forcée, vu qu’elle a perdu l’usage de ses jambes en mission. Je pense qu’elle a peur qu’il m’arrive la même chose… Et qu’elle a essayé de me dégoûter de ce but en se faisant plus dure pour me protéger… Mais nous avons le même sale caractère têtu, alors j’ai persévéré.

Mes yeux scintillent à tes dernières paroles et je décoche un sourire sincère.

- J’ai confiance en toi… Et je suis rassurée que tu sois là, avec moi, pour toutes ces épreuves…

Oui sans lui, je ne serais pas là actuellement, j’aurai sûrement caché ma crainte et l’aurais faite subir sur le terrain par peur. Peur d’être encore jugée et mal de ce fait simplement car je n’ai pas le profil type d’une guerrière.

- Je ferais en sorte aussi d’être là si vous avez besoin.

Je ne sais pas de quoi il pourrait bien avoir besoin, mais je lui signale… Au moins, si un jour il a une idée sur cette proposition, il n’aura pas à hésiter pour me contacter.

- Voulez-vous rajouter quelque chose sinon ?

Je suis repassée au vouvoiement sans m'en rendre compte. A croire que cette conversation m'a tellement perturbée que j'ai remis une distance le temps de ces quelques confidences.

 Tout s’enchaîne dans un ballet incontrôlé et je comprends tout aussi bien tes propos que je suis en accord avec moi-même. Je t’écoute et tu fais de même et dans cet échange des plus simples, il n’y a pas de parti gagnant… Simplement le temps qui file et se défile dans un lieu agréable et impénétrable où seules nos voix animent l’endroit à cette heure de la journée.

Nos mains entrelacées, tu reprends tes propos et je t’accorde une petite moue accompagnée d’un doux sourire.

- Je ne pense pas que j’y sois un jour préparée… Mais je ferais en sorte de continuer à avancer tant bien que mal malgré cette vision d’horreur. Quitte à voir un psychologue pour cela… Quant à mes démons, j’ai foi en tes propos… Je ne finirais pas en monstre sanguinaire…

Le tutoiement est revenu, prouvant que la discussion commence doucement à reprendre un court plus agréable que professionnel.
Tu m’assures que tu ne me lâcheras pas et je regarde nos mains avec un petit sourire… Oui je le sens que cette dextre sera toujours présente. Pour m’aider à avancer et à gravir les montagnes d’une rude existence. Mon doigt passe doucement sur ta peau, comme pour confirmer que je peux me fier à tes propos.
Mes saphirs se rehaussent sur ton visage, mes joues se colorent d’une délicate teinte et mon sourire s’étire aussi frais que la rosée du matin.

- J’espère que tu tiendras parole ! Je compte sur toi pour ne pas me lâcher… Et il n’y a pas de rôle figé… Donc sache juste que si un jour, tu as besoin de parler et que c’est moi qui te viens à l’esprit à ce moment… Je serais prête à te recevoir et t’écouter… Et en prononçant ses propos, je te confirme donc au passage, que je suis décidée.

Bien que je dégage de la douceur, ma main serre un peu plus la tienne pour te prouver ma conviction… Oui, je suis déterminée à aider cette ville qui a aussi besoin d’être protégée.